Avant même de publier mon roman Ce qu’il reste après tout, lorsque j’en étais encore à la phase de rédaction, on m’a demandé pour quelles raisons j’avais choisi d’écrire sur ce thème, si l’histoire que je raconte était une autobiographie, si l’idée d’écrire sur une pandémie m’était venue avant ou après la crise sanitaire que nous traversons — questions que l’on me pose encore régulièrement. Alors, je précise tout d’abord que non, mon récit n’est en aucun cas autobiographique même si je me suis inspirée de certains détails de mon propre vécu ou de celui de mes proches pendant le confinement. Et je n’avais auparavant jamais songé à écrire un livre sur une quelconque pandémie mondiale avant que le coronavirus ne vienne envahir nos vies. Quant à savoir pour quelles raisons j’ai écrit sur ce thème, je crois qu’il va d’abord falloir se pencher sur une question un peu plus existentielle : quelles sont les raisons qui poussent à vouloir écrire un roman ? Quelles sont les raisons qui ME poussent à vouloir écrire un roman ?
Pourquoi écrire un roman ?
Bien évidemment, en tant qu’auteurs, nous n’avons pas tous les mêmes motivations, les mêmes buts, ni les mêmes ambitions. Tout cela est propre à chacun de nous… On peut écrire par plaisir, pour soi, pour se dépasser, pour transmettre un message, partager une idée, pour créer un univers, s’évader de son quotidien, s’inventer une vie… Caroline Vermalle avec ses 10 raisons de publier votre livre nous donne un aperçu de ce qui peut pousser un auteur à franchir le cap de la publication.
De mon côté, au-delà du plaisir de création, au fait de donner vie à des personnages, à une histoire, je crois que ce besoin d’écrire adoucit en moi une espèce de crainte existentielle que chaque être humain traverse au moins une fois dans sa vie : que va-t-il rester de moi lorsque je ne serai plus là ? Quelles preuves gardera-t-on de mon passage sur Terre ?
J’ai toujours été à la fois passionnée et effrayée par les lieux anciens, chargés d’histoire. Dans ces moments-là, je ne peux m’empêcher de me questionner, d’imaginer quel pouvait être le type de personnes qui vivaient là, ce qu’ils y faisaient, ce qu’ils se racontaient, je me demande à quoi pouvaient-ils bien rêver en foulant ce même sol que moi 100 ans, 1000 ans plus tôt ? Et qui seront donc ces gens qui le fouleront à leur tour 100 ans, 1000 ans plus tard en se posant les mêmes questions que moi ? Cette perspective d’une vie humaine éphémère à travers l’éternité de la vie tout court a tendance à me donner le vertige !
Je constate toutefois que cette peur existentielle de « disparition de la surface de la Terre et par la même occasion, de l’Histoire de l’humanité tout entière — oui j’exagère à peine ! » s’est quand même nettement atténuée depuis la naissance de mes filles. Lorsque je me demande ce qu’il restera de moi lorsque je ne serai plus là, je vois apparaître leurs visages… Je continuerai à vivre dans leurs sourires et dans le fond de leurs yeux puis encore un peu dans ceux de leurs enfants et dans une moindre mesure dans ceux de leurs petits-enfants et arrière-petits-enfants…
En discutant dernièrement avec mon super conseiller en prévoyance de la sortie de mon roman, il m’a rappelé cette citation de Compay Segundo : « Pour réussir sa vie, un homme doit faire un enfant, écrire un livre et planter un arbre ». J’y ai par la suite longuement repensé et je dois dire qu’elle a su faire écho en moi. Faire un enfant, écrire un livre, planter un arbre… On en revient à cette idée, à ce désir de garder un peu de nous ici-bas. Une preuve de notre vécu, de notre passage sur Terre. Mener une action qui impactera des générations futures, qui nous succédera jusqu’à nous donner un semblant… d’immortalité ?
Mais alors, avoir un enfant, écrire un livre, seraient donc, en réalité, des actions purement intéressées et égoïstes ? Peut-être un peu, peut-être pas… Tout dépend de ce que l’on en fait, du but que l’on poursuit, de ce à quoi on aspire, de ce que l’on souhaite transmettre…
L'écriture comme moyen de transmission
Au-delà du désir de laisser une trace, un bout de nous dans l’histoire de l’humanité, il y a aussi une notion importante qui est celle de la transmission. Transmettre un savoir, des connaissances, des souvenirs aux générations futures par le biais de l’éducation de ses enfants ou encore par le fait d’écrire un roman, par exemple…
Quand on voit tous les livres, tous les films qui existent sur les évènements historiques majeurs de ces dernières décennies, on se rend bien compte qu’il est important pour l’être humain de maintenir ces souvenirs-là dans la mémoire collective !
Le confinement du printemps 2020 a été un de ces moments forts qui marquent une génération. Alors, OK, nous n’avons pas vécu une guerre ou autre abomination du genre, mais n’empêche que ça a été un bouleversement important pour nous tous…
On dit que nous avons une mémoire émotionnelle, c’est-à-dire que l’on se rappelle précisément de l’endroit où l’on se trouvait, de ce que l’on faisait, avec qui et à quel moment lorsqu’on nous annonce une nouvelle qui nous rend très heureux ou au contraire très tristes, une nouvelle qui nous heurte par son côté inattendu/angoissant/choquant… C’est ainsi que, par exemple, je me souviens parfaitement de la naissance de mes filles, de la demande en mariage de mon mari, mais aussi du moment où mon père m’a annoncé le décès de mon grand-père, le jour où j’ai appris les attentats de Charlie Hebdo puis ceux qui ont malheureusement suivi, et dernièrement, l’annonce de la fermeture des écoles par Emmanuel Macron, ce 12 mars 2020. Je me rappelle être restée apathique pendant plusieurs minutes sur le canapé essayant tout doucement de forcer mon esprit à assimiler cette nouvelle, moi qui, une heure plus tôt, ne comprenais pas que l’Italie puisse se confiner au risque de mettre en péril toute son économie…
Alors, face à cet inconnu, pour tenter de dompter cette peur qui, sans crier gare, me prenait aux tripes et me tétanisait, je me suis mise à écrire. Chaque soir, j’ai pris un carnet et j’ai noté tout ce qu’il s’était passé dans la journée : les discours de Salomon, le nombre de morts quotidiens, ce que je ressentais, ce que je vivais avec mon mari et mes filles, les mesures prises par le gouvernement pour tâcher de contrer la pandémie… Juste pour moi, pour nous, pour ne pas oublier. Pour garder une trace. Et pouvoir, un jour, la transmettre ?
À la sortie du confinement, j’ai récupéré ces notes et je m’en suis servie pour écrire mon roman. Tout ce que vivent mes personnages s’appuie sur la réalité de ce qu’a été notre vie du 12 mars au 11 mai 2020. Dans 50 ans, peut-être, ma petite-fille, ton petit-fils ou son arrière-petite-nièce reviendra de l’école avec un cours d’histoire sur la crise sanitaire de 2020 et te demandera alors : « mamie/papi, tu étais là, toi ? » Oui, j’étais là. Oui, nous étions là. Nous l’avons vécu ensemble. Cela fait partie de notre histoire et j’aime à penser que mon roman puisse être le témoignage de cette tranche de vie là.
Alors, pourquoi avoir choisi d’écrire sur le confinement ? Parce que c’était tout simplement choisir d’écrire sur la vie…
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